

LE M@G DES AVOCATS n° 34 Le BARREAU de FRANCE n° 367 Juillet/Août/Septembre 2017
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on peut citer le droit de la réparation du
dommage corporel. On connait les
tentatives réitérées des assureurs en cette
matière
d’imposer
un
barême
d’indemnisation pour échapper au principe
de la réparation intégrale des préjudices. Ces
algorithmes pourraient constituer un moyen
d’imposer leur point de vue.
-Le troisième risque est dans la diminution
du rôle de l’institution judiciaire. Quelle sera
la place du juge et du procès ? Il est évident
que de tels outils vont favoriser la
transaction et donc une déjudiciarisation
tant souhaitée par nos gouvernants qui
verront là, le moyen de faire des économies.
Ce souhait s’est officiellement concrétisé ces
dernières années avec le développement
des modes alternatifs de règlement des
conflits et plus récemment par l’instauration
du divorce sans juge. La justice prédictive va
inévitablement accompagner et renforcer ce
mouvement, le coût immédiat pour le
justiciable étant moindre, clairement défini
et l’aléa judiciaire disparaissant. Quel sera
alors le rôle de l’institution judiciaire ? Quelle
sera la place du procès ?
-Enfin on peut craindre des jugements
signant la disparition de l’humain dans sa
singularité Comment réagira le juge lorsqu’il
sera confronté aux résultats de ces
algorithmes, par exemple en droit pénal ?
Que deviendra l’appréciation souveraine du
juge du fond et quelle sera la responsabilité
de l’Etat ? Il y aura inévitablement une perte
de l’individualisation de la solution donnée
au justiciable au profit de la recherche de
l’égalité
mathématique
et
d’une
harmonisation systématique des décisions.
Et cette évolution risque de se faire au
détriment de la justice.
3
V. De SENNEVILLE, Justice prédictive : la data et les
algorithmes
entrent
dans
les
prétoires,
(www.lesechos.fr/journalistes/index.php?id=1079).
4
BOUCQ R., La justice prédictive en question, Dalloz
actualité, le 14 juin 2017.
La première présidente de la Cour d’appel de
Paris a déjà posé des limites, plaçant la
justice prédictive en tant qu’outil d’aide à la
décision et non en tant que nouvelle justice.
Ainsi, elle précise : «le magistrat devra se
prémunir
des
réponses
rapides,
automatiques qui rassemblent sous un
même
étiquetage
des
singularités
irréductibles»
3
. Il faut éviter le danger de
l’ultra simplification et de la rapidité qui
empêchera le traitement minutieux, humain,
et individualisé de chaque cas. Le juge devra
toujours rester souverain dans son
appréciation.
Bien entendu, cet outil ne manque pas
d’attraits.
-Il peut constituer un outil de recherche
précieux pour la préparation des dossiers et
l’élaboration de la stratégie, puisqu’il
indique les chances de succès de tel ou tel
argument juridique
4
les chances de réussite
et des indications sur le résultat escompté. Il
peut réellement faciliter le travail de «
prédiction » que l’avocat a toujours réalisé
5
.
De toute évidence, même si l’avocat peut se
saisir de ce nouvel outil, il n’en demeure pas
moins qu’il sera dans l’obligation de
s’enquérir des détails factuels de chaque
affaire auprès de son client, car la justice
demeure dans cette part irréductible
d’individualité de sorte que la justice
prédictive «n’a de sens que pour éclairer
éventuellement le passé, sous un certain
angle (...) mais certainement pas pour
prédire l’avenir»
6
.
-La justice prédictive pourrait être un outil de
compréhension et de connaissance du droit,
dans sa logique axiomatique
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dont l’humain
5
Quel avenir pour la « justice prédictive » ?, La quotidienne,
éd. Francis Lefebvre, 14 avril 2017.
6
BOUCQ R., La justice prédictive en question, Dalloz
actualité, le 14 juin 2017.
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BOUCQ R., La justice prédictive en question, Dalloz
actualité, le 14 juin 2017.